Etre entrepreneure à l'âge de 16 ans, tel est le défi que s'est lancé Philippine Dolbeau

Femmes Du Numérique : En tant que jeune femme prometteuse dans le domaine du numérique, pouvez-vous nous présenter votre parcours scolaire ? Qu’est-ce New School ?

Philippine Dolbeau : Commençons par de courtes présentations... 

Je m'appelle Philippine, j'ai 17 ans et je réside près de Paris. Depuis toute petite, j'ai toujours été captivée par les nouvelles technologies et les inventions. Je crois que je suis née au bon moment : les premiers téléphones portables modernes se lançaient sur le marché et l'on assistait à l’essor des ordinateurs. En tant que grande fan de la marque à la pomme, j'ai connu la sortie du tout premier iPhone, et cela m'a fait rêver. Je me souviens lorsque l’on me disait "que voudrais-tu faire plus tard?", mes proches répondaient à ma place :  "Steve Jobs". Aujourd'hui, on en rigole... 

Âgée de 11 ans, je crée une voiture télécommandée dans mes cours de technologie. Mais il manquait quelque chose, c'était trop dicté et superficiel. Un an plus tard, j'ai décidé de me lancer dans une invention super glamour : Le Ventilo Fourchette. Oui oui, j'ai dit glamour ! Un moteur, quelques piles, des fils électriques et une fourchette, en somme un mini ventilateur monté sur une fourchette pour répondre aux énervements de ma sœur qui se plaignait de son plat trop chaud... 

New School nait 2 ans plus tard : un système de gestion de vie scolaire numérique,  autrement dit, un outil  qui se base principalement sur le système d'appel en classe. 

 

FDN : Comment est née votre envie de création d’application ? Selon vous, comment cette invention peut changer (moderniser) le fonctionnement actuel de l’éducation nationale ?

Philippine Dolbeau : Le déclic, je l'ai eu le 6 octobre 2014. Ce jour là, le petit Charles, 9 ans, prend son bus pour se rendre à l'école près de Bordeaux. Charles s'endort pendant le trajet, et n'arrivera jamais à destination. Il sera retrouvé sain et sauf 8 heures plus tard dans le hangar de la compagnie de cars scolaires, enfermé dans le véhicule. Et personne ne s'était rendu compte de son absence en classe car aucun de ses enseignants n'a fait l'appel. 

A ce même moment, je suis en classe de seconde, j'ai 15 ans. Dans mon établissement scolaire, j'ai la chance d'avoir des cours d'économie dans lesquels les élèves appliquent en quelques sortes la fameuse "classe inversée", mes cours d'économie devaient me permettre de créer une mini entreprise. 

L'idée est là, dans ce fait divers mais aussi dans ce constat : aujourd'hui,  la grande majorité des écoles en France bénéficie d'aides à la création d'une pédagogie numérique. Ce "Plan Numerique" lancé par l'éducation nationale est une bonne idée, c'est incontestable. L'école, comme tous les autres secteurs d'activités nécessite de se tourner vers le digital. Or l'éducation en France est une vielle, très vielle machine qu'il faut réveiller et réparer en douceur. 

Cette volonté de moderniser l'enseignement et les méthodes de communication au sein des établissements scolaires est le résultat de constats tous autant incroyables qu'inacceptables vécus par une fille de professeur mais surtout par une élève qui n'est pas prête à « lâcher l'affaire ». 

La question est donc : « comment New School va t-il moderniser le monde de l'éducation ? »... J'ai décidé de commencer cette idée par le cahier d'appel numérique qui est un outil beaucoup trop archaïque actuellement dans les établissements auquel s'ajoutent des soucis de sécurité majeurs (l'histoire de Charles en est un bel exemple). 

Bien évidemment, l'idée est de ne point s'arrêter à la modernisation de ce seul outil mais bien de devenir le gérant de toute la vie scolaire et de s'étendre à de nouveaux secteurs. Ma priorité est l'éducation. Il y a une montagne à soulever, j'espère pouvoir au moins la faire un peu avancer... 

 

FDN : Concrètement, comment comptez-vous développer votre concept ? (création, prix, commercialisation) 

Philippine Dolbeau : L'application a été mise sous expérimentation pendant 5 mois début 2016, 120 élèves et 4 enseignants étaient équipés du système. Les résultats nous ont confortés dans l'idée de développer à plus grande échelle la solution. C'est ainsi que nous ajoutons quelques fonctionnalités supplémentaires à notre application « Profs ».Actuellement, nous créons notre propre porte-clés connecté au design coloré et robuste pour nos élèves. 

Nous avons la chance d'avoir déjà une quinzaine d'établissements intéressés dont plusieurs universités pour tester New School dès septembre 2016. Nos premiers clients sont les plus importants, je me dois de travailler au maximum pour ne pas les décevoir. Le client n'est-il pas roi ?! 

Ensuite, la commercialisation se fera avec l'aide des rectorats ainsi que des académies qui distribueront New School à leurs établissements. J'entre dans une phase à la fois excitante et stressante aux deux extrêmes. Excitante car nous entrons enfin dans le vif du sujet, nos premiers clients, notre production, notre commercialisation, nos premiers contacts. Mais cela implique forcément une attention et une rigueur toute particulière pour assurer la croissance et le bon fonctionnement de la société.  

 

FDN : Quelle pourrait-être votre prochaine innovation ?  

Philippine Dolbeau : C'est une excellente question. Chaque entrepreneur à pour modeste ambition de changer le monde, "Making the world a better place to live". Je n'ai pas l'idée du siècle et ce n'est pas du tout ce que je cherche ! J'adorerais révolutionner le quotidien des gens, notamment résoudre les problèmes de pauvreté, de faim et d'accès à l'eau potable dans le monde. On se dit rendez vous dans 10 ans ? 

 

FDN : Pour vous, qu’es-ce que représente le numérique pour votre avenir ? Est-ce que ce domaine influencera votre carrière professionnelle ?

Philippine Dolbeau : Bien sûr, cela va influencer ma carrière, j'en suis certaine. Nous vivons dans un monde de plus en plus connecté, digital, où les chèques sont maintenant dépassés et où la carte bleue va devenir Has Been. Les métiers évoluent à une vitesse fulgurante, c'est fou. Pour mon avenir qui est loin d'être tout tracé malgré les apparences, je sais qu'il y aura forcément un lien avec le monde du numérique. Je ne sais pas encore lequel mais le digital est un outil que nous ne pouvons désormais plus mettre à part... 

 

FDN : Si vous deviez utiliser trois adjectifs pour décrire votre état d’esprit actuel, quels seraient-ils ?

Philippine Dolbeau : Déterminée, confiante et relax, ce sont les vacances pour encore quelques jours !

 

NOTE : 

Je suis ravie que de plus en plus de femmes soient mises en avant pour leur travail, leurs idées et leurs innovations notamment dans le secteur du numérique. Depuis bien longtemps je suis au courant des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes comme l'inégalité salariale qui était selon moi la plus flagrante. Avec le développement et l'incroyable phase de médiatisation que j'ai depuis janvier, je me suis rendue compte que les points de vue sur le sexe féminin sont encore loin d'être corrects. 

On m'a souvent dit que c'était impossible de monter un projet d’une telle envergure en étant une fille. Je ne vous raconte même pas comment les gens ont réagis lorsqu'ils ont appris que OUI, on peut monter sa boîte en étant une femme, en filière littéraire et en ayant 15 ans."Le monde est dominé par les hommes et le monde va mal. Laissez la place aux femmes" disait Clara Gaymard, un de mes nombreux modèles, il y a encore quelques jours... Merci !